Tot passa y tot queda

L’intimité géographique et les sensations d’un territoire sont au coeur de mes recherches. Depuis une dizaine d’années je concentre une partie de mes explorations sur une petite péninsule au nord est de la province de Gérone en Catalogne. Entre le golfe du Lion et le golfe de Roses, tombe abruptement sur la meditérranée le cap de Creus. C’est l’extrémité la plus à l’est de toute la chaine de montagne pyrénéenne qui s’enfonce ici dans la mer. Pointe isolée, au caractère très insulaire, cette zone est une limite entre le septentrional et le méridional, entre le littoral et le montagneux. C’est un territoire très particulier où les roches formées il y a des millions d’années se sont modifiées au fil du temps par les fortes pressions de la mer et du vent. Une partie de l’année j’habite ces paysages. Ils me sont tout à la fois familiers et étrangers. Je sillonne un périmètre qui part de la frontière jusqu’au sud du golfe de Roses. Le cap de creus devient le point central de la zone à partir de laquelle je gravite des bords jusqu’à l’intérieur des terres. 

L’intimité géographique et les sensations d’un territoire sont au coeur de mes recherches. J’ausculte, de ma propre expérience, nos points d’attachement et d’ancrage à des espaces. Pourquoi, un jour, un bout de paysage nous lie, nous attire, nous fait revenir, et nous fait parfois l’aimer au point d’y rester. Ces sensibilités silencieuses et intimes pour un lieu me touchent. Elles disent l’expérience de notre rapport physique et charnel au monde. Notre capacité à sentir et ressentir. Ma photographie est l’expression de ces émotions physiques qui nous relient poétiquement au monde et qui documentent cette relation d’être vivant, d’être sentant.

Depuis une dizaine d’années je concentre mes sujets sur une petite péninsule au nord-est de la province de Gérone en Catalogne. Entre le golfe du Lion et le golfe de Roses, tombe dans la Meditérranée le cap de Creus, l’extrémité la plus à l’est de toute la chaine des Pyrénées. C’est un territoire très particulier où les roches formées il y a des millions d’années se sont modifiées au fil du temps avec la force de la mer et du vent. Une partie de l’année j’habite ces paysages rocailleux, abruptes, sauvages. Ils me sont tout à la fois familiers et étrangers.

Tot passa y tot queda – en catalan tout passe et tout demeure – se déploie à partir de cette géographie. Je compose ce récit suite à un premier volet aboutit en 2023 Cau del llop – le trou du loup – où je documentais la cavité d’une crique. Le récit faisait du paysage un ancrage inconscient, un refuge. Dans Tot passa y tot queda, je gravite des bords jusqu’à l’intérieur des terres, je cherche la présence de la mer au delà de la vue, ce qu’elle fait à nos corps, jusqu’où elle s’infiltre par delà les côtes, jusque dans nos imaginaires. Le monde marin, végétal, animal et fluide, présent dans le premier récit, s’éloigne pour laisser place au minéral, au solide, au terrestre. Je guette des présences, inquiétantes et soumises aux pressions du lieu et des éléments. Ici, c’est le thème du pré-sentiment qui domine. J’y exprime la façon dont les lieux nous habitent et nous hantent. Ce sentiment menacé parle du passage vers la disparition, de ce qui résiste avec ce qui meurt, de ce qui arrive implicitement, lentement à la conscience. Le paysage est ici la métaphore d’un désir d’immortalité face à ce qui va disparaitre.



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